Ma maîtresse ?

À l’heure dite, la porte s’entrouvre et nous nous glissons, la musique au fond de notre sac, dans la salle de classe. Le personnage longe les murs, de dos, nous sommes déjà assaillies de perceptions : les classes qui débordent d’énergie, la concentration des regards sur nous, que se passe t il, qui est ce ? les classes au silence si dense, la petite crainte qui se propage, les murmures, les commentaires qui fusent en tous sens, faisant des hypothèses, sur qui nous sommes, un robot, un zombie, un voleur en fuite, une folle, une remplaçante, la stagiaire de la semaine dernière…

Une salle de classe, c’est un espace surchargé, de couleurs, d’informations, de meubles, d’objets. Il faut passer par dessus les cartables, il faut éviter les coins de tables. On y perçoit très intensément la personnalité de l’enseignant.

Il y a la petite fille dont les yeux ne cesseront de s’écarquiller tout le long, il y a le garçon qui dansera tout à l’unisson avec une grâce singulière, il y a les coquins qui tentent de nous toucher pour vérifier si on est « vraies », ceux qui nous invectivent pour qu’on s’explique. Il y a les regards qui indiquent la timidité et le besoin d’une distance de sécurité, il y a des joues qui rougissent quand on s’assoit sur la table, il y a ceux qui veulent être la vedette, il y a ceux qui voudraient que ça ne leur plaise pas mais qui se prennent au jeu…

Nous sentons les enfants glisser progressivement dans leur rôle de spectateurs, curieux, intrigués, émerveillés, excités, joyeux, après un drôle de jeu de regards croisés entre eux et l’enseignant pour vérifier s’ils ont le droit de lâcher l’exercice qu’ils étaient en train de faire, le droit de rire, le droit de recevoir, le droit d’imiter les mouvements assis à leur table. Puis ils dévorent l’histoire qui leur est dansée.

Et puis les enseignants, après le spectacle, disent leur étonnement à se voir en scène, combien ils se reconnaissent, que c’est pas souvent qu’on parle d’eux. Et la joie aussi quand les élèves les remercient du cadeau.